Andres Laszlo Jr.

Le Grand Défi s’inspire du best-seller écrit par mon père (Andres Laszlo Sr.), Mon Oncle Jacinto/Mi Tio Jacinto, également blockbuster (avec Pablito Calvo & Antonio Sico, sous la direction de Ladislao Vajda). Un journal parisien à grand tirage a commenté l’histoire originale de la manière suivante : « Rien de ce genre n’a été écrit depuis Le Petit Prince.» Dans mon roman, Madrid se transforme en la vile du Cap, la Quinta en Mandela Park, 1940 en 2010. La tauromachie se transpose dans le monde de la boxe, pour un total de 75 000 mots dans la version anglaise. Toutefois, le roman s’adresse toujours aux enfants de tous les âges en anglais. Acheter.   VIDEO

Bien que le livre ait été pensé pour les «enfants de tous les âges», — le protagoniste est très jeune — le texte aborde parfois des sujets délicats, et l’histoire doit être lue par des adultes. Pour autant, cela ne devrait pas constituer un problème: mon but, tout au long de l’écriture, a été celui de placer le texte au niveau des adultes et de le rendre divertissant pour les enfants autant que pour les adultes. Voir les 70 illustrationsLe Grand Défi présente Baba et son neveu Tigre. Le roman décrit une journée décisive de leur existence. C’est le héros qui sert de lien entre les deux personnages, et le côté pesant du roman vient du risque de leur séparation. L’action se situe au Cap, en Afrique du Sud : le centre-ville, le township Mandela Park, Hout Bay et le Vieux Stade.

Le début de l’histoire. Nous sommes dans le township. Il pleut. Tigre est occupé à construire une roue à eau, créant une inondation dans la cabane où dort son oncle. Arrive la lettre écrite par le promoteur de boxe. Le contenu de la lettre n’est pas pris au sérieux. Tigre et Baba se rendent au centre-ville faire les poubelles, comme cela leur arrive toujours. Tandis qu’ils ramassent des mégots de cigarette, ils tombent sur une affiche présentant Baba comme le champion à battre. Rien ne peut plus être ignoré, et voilà Baba, furieux, appelant au téléphone le promoteur, pour faire entendre sa protestation. Baba, toutefois, finit par accepter de tenir le rôle de champion. Trop orgueilleux pour accepter l’aide qu’on lui propose, il feint avoir déjà en sa possession le costume de boxe.

Au milieu du roman. Il s’agit des exigences, des ruses, et de la petite délinquance, moyens par lesquels les deux personnages tentent de trouver la somme nécessaire à la location du costume de boxe, tandis que le risque de la séparation — sous la forme d’un vendeur de montres fantaisie, d’un musicien, de la police, d’un tribunal pour enfants, d’un vrai hors-la-loi, d’un tueur à gages professionnel, etc. — se fait de plus en plus précis. La journée des protagonistes se déroule en dessinant toute une panoplie de ce que peut être la criminalité au Cap : du recyclage des timbres au trafic d’un diamant valant un million de dollars. En dernier recours, Baba, renonçant à son honneur, s’essaie à la vente d’une fausse montre, assisté de Tigre. Ils se font appréhender. Baba n’est pas loin de finir en prison, et Tigre au tribunal pour mineurs. Le déshonneur et la séparation semblent indéniables. Le magasin de costumes est sur le point de fermer, et Baba, — sur le ton de la douceur et de la logique, suffisamment pour que nous y croyions — s’entend dire qu’il devrait « donner à ce pauvre gamin une chance », qu’il ne fait pas preuve de bonté envers Tigre.

La fin du roman s’ouvre sur un Baba dévasté, quittant les lieux, une mise en garde entre les mains. La suite voit Tigre se tirer de ses ennuis, persuader le vendeur de costumes d’accorder sa confiance à Baba. Tigre retrouve son oncle et le ramène au magasin. Nous les suivons donc, Baba dans son costume de boxe, dans le bus qui les conduit au stade où Baba — qui n’ a rien perdu de son agilité — se mesure avec brio à ses adversaires. Mais voilà que le subjugue son désir de garder intact son honneur, et il fait l’erreur d’accepter de se battre contre un athlète faisant deux fois sa taille et qui a été envoyé pour l’assassiner. C’est en la personne de cet adversaire que le risque de la séparation adopte sa forme physique, ultime. Baba livre un combat populaire, mais se retrouve, tout compte fait, mis à terre, ridiculisé. Baba vient de perdre ce qui justifiait son existence, son honneur, sous les yeux mêmes de Tigre. Baba avance, hésitant, vers son neveu en larmes, pour lui faire ses adieux. Ne soyons pas bêtes : évidemment, le roman finit bien, si vous faites le choix de le lire sous cet angle-là.

Andres Laszlo Jr.

— Trafic de drogue ! s'exclama le commissaire. On pourrait facilement vous embarquer ! 

On eût dit que le père de Sipho voulait masquer son inquiétude.

— Allez-y tout doux, mec. C’est de l’herbe, pas plus que ça. Quelques grammes, même pas. 

— Quelques grammes ? Une bonne dizaine, quand même !

— Quatre virgule quatre-vingt dix, pour être précis. Pour consommation à titre privé. Vous n’avez aucune preuve que la marchandise, je la revends.

— On l’embarque ? interrogea l’agent de police qui s’était agenouillé à côté de Sipho. Il a des choses à se reprocher. Ça crève les yeux.

— On n’en a pas assez pour un chef d’inculpation, et ça, il ne le sait que trop.

— Est-ce qu’on ne devrait pas vérifier combien ça pèse ?

— Pas la peine. Sa balance est sans doute bien meilleure que la nôtre. Alors, à moins de trouver le reste…

— Mais on peut apporter la preuve que le grossiste était là.

— Oui, mais pas qu’il est venu pour se servir chez notre homme, et l’emballage, on ne dirait pas de la marchandise en gros. On peut juste confisquer. Pas plus.

— L’emballage, c’est du refait. C’est comme ça qu’il fait son petit trafic. Il fabrique ses propres emballages.

— Ça, on le sait et lui aussi. Après, on fait comment pour le prouver ?

Le policier regarda le gamin.

— On ne peut pas l’interroger ?

— C’est un bébé, pas plus. Il ne dira rien. Je ne crois pas.

— Vous arrêtez ça ! Vous n’avez pas le droit de l’interroger ! Il n’a que cinq ans, et il est trop jeune pour apporter la moindre preuve ! s’écria le père de Sipho.

Le commissaire abaissa sa matraque sur l’épaule de l’homme qu’il voyait de dos, dont les protestations remplissaient la pièce.

D’emblée, le père de Sipho se tut.

Le policier tourna les yeux vers Sipho, lui concédant un large sourire.

— Tu m’as l’air d’être un garçon très sage. Si je te pose quelques questions, ça ira, pas vrai ? 

Sipho — cinq ans, maigrichon avec ses grands cheveux noirs et ses yeux marron –, garda le silence, et lança en direction du policier un regard de colère où se lisait la méfiance.

— Ton père a vu un homme ici même, hier. Un Blanc, un grand monsieur avec une queue de cheval. C’est bien ça ?

— Non. Pas du tout. Il n’a vu personne. Il n’y avait absolument personne.

— On sait qu’il y avait quelqu’un. Il a été aperçu par trois de vos voisins.

— Ah bon ?

–Oui. Deux voisins au moment où il arrivait, et un autre au moment où il partait.

Sipho baissa les yeux, se mordant la lèvre.

— Et on a trouvé cet emballage. Avec dedans, des choses vraiment pas bien.

Sipho détourna les yeux, refusant de les attarder sur l’emballage, sur son père et sur les deux policiers.

— Ce que tu vois à l’intérieur vient sans doute d’un sac plastique. Ce sac, tu sais où ton père l’a caché ?

Sipho ne fit entendre aucune réponse.

— Tu n’as pas vu si l’homme qui a vendu ce sac plastique à ton père lui a aussi vendu autre chose ?

— Je... Je n’ai rien vu.

— Mais l’homme qui a vendu à ton père un sac rempli de drogues, tu as dû le voir. L’homme qui a fait la promesse de te ramener un vélo la prochaine fois.

— Un vélo ?

— Oui.

— Un deux roues ?

— Absolument.

–Un vélo avec des freins ?

— Absolument.

— Je... Sipho s’interrompit et posa sur le policier un regard de méfiance. Je n’ai rien vu du tout.

— Mais tu vis là ?

— ... Oui...

— Donc, comment ça se fait que tu n’aies rien vu ?

— Parce que...

— Parce que quoi ?

— Parce qu’ils m’ont mis dehors.

— Qui ça ?

Sipho désigna son père, le pointant du doigt.

— Lui ! Il m'a mis dehors. Il fait ça tout le temps !           

Le policier adressa au petit garçon un regard noir de colère.

— Lui, répéta-t-il. Lui !

Mais quand nulle autre trace de drogue ne fut découverte, les policiers quittèrent les lieux, laissant là le trafiquant et son petit garçon.

Sipho croisa le regard plein de tendresse que lui adressait son père.

— C’est bien, mon petit bonhomme, lui dit-il, débordant d'affection, faisant la sourde oreille à ses questions sur les vélos et les freins. Je serai toujours là pour toi.

Cependant qu’il écoutait s’éloigner la voiture de patrouille, le père de Sipho jeta un coup d’œil par la fenêtre : il fallait s’assurer que les policiers étaient bien au volant de la voiture. C’était le cas. Puis, réprimant une violente crise de toux, il vérifia qu’aucun autre représentant de la loi ne se trouvait encore sur les lieux, ouvrit furtivement la porte de devant, avança jusqu’à une vieille « Volkswagen Beatle » ou ce qu’il en restait, garée devant, dans la cour. Le père ouvrit le capot et, faisant suite à quelques exercices d’acrobatie bien menés, parvint à arracher un sac en plastique enfoui à l’arrière de la bagnole. Quand il eut regagné les murs de sa maison et refermé la porte à clé, il sortit du sac un papier d’emballage et, les mains tremblantes, en mélangea le contenu avec un peu de tabac.

Sipho examina le morceau de papier où son père venait de cracher ; il y avait du sang, beaucoup de sang.

Le père commençait à se rouler une cigarette, les mains tremblantes.

Il avait expliqué à Sipho d’où venait le sang, lui racontant qu’à la mine, il avait avalé un diamant qui, parfois, lui déchirait les entrailles.

Qu’on puisse avaler des diamants était restée chose incompréhensible pour Sipho. Pourquoi dévorer un diamant, alors qu'il aurait pu le vendre à très bon prix ?

Tandis qu’il finissait de se rouler sa cigarette, le père avait les mains qui tremblaient de plus belle.

Au début, la toux de son père s’était aggravée de mois en mois, puis de semaine en semaine ; à présent, la toux empirait encore plus vite, semblait-il à Sipho, et aujourd’hui, elle le gênait bien plus que la veille.

— Cette fois-ci... cette fois-ci, il se peut que je m’absente... Le père de Sipho observait, l’air niais, les volutes de fumée que crachait sa bouche et qui lui montaient jusqu’au nez. Cette fois, il se peut que je m’absente pour longtemps, très longtemps.

— Il... il... ne... faut pas que tu partes. Je...

— Bon, maintenant, tu arrêtes !

— Quoi ?

— Ça.

Son père lui répétait qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, que tout cela provenait de la mine, de la poussière qu’il y avait dans les mines et du diamant qu’il avait mangé, que très bientôt il irait mieux. Sipho aurait voulu le croire plus que tout au monde, mais il n’y parvenait pas. Son père lui racontait souvent des mensonges et les plaintes permanentes qu’il laissait entendre venaient contredire son optimisme. Et puis, les souvenirs que Sipho avait gardés de sa mère étaient restés intacts. Il l'avait beaucoup aimée et, quelquefois, ces fois où son père lui affirmait qu’un beau jour elle reviendrait, il se plaisait presque à le croire. Elle aussi avait commencé à tousser, de plus en plus, avant de disparaître, un jour.

— Quoi « ça » ?

— Tu bafouilles comme un idiot !

— Je ne bafouille pas.

— Je ne vais pas t’abandonner. Donc, tu peux arrêter !

Sipho avait recherché la présence de sa mère aussitôt qu’elle avait disparu, mais c’est seulement au moment où il comprit que, selon toute vraisemblance, elle ne reviendrait jamais, que commencèrent les bégaiements. Le problème n’était pas de grande ampleur, et Sipho ne bégayait que s’il cédait à la peur, à la peur que son père, lui aussi, avait cessé de l’aimer et qu’il allait l’abandonner. Sipho bégayait toutes les fois où il pressentait qu’il allait se retrouver sans personne.

— Non, je n’ai pas bégayé. Pas du tout.

— Tout va bien, le rassurait son père, tout sourire et lui caressant les cheveux. Ça va aller.

Sipho avait horreur qu’on lui caresse les cheveux.

Le père de Sipho prit une profonde inspiration.

C’est une de ces cigarettes à l’odeur bizarre que fumait son père, dont une bonne partie contenait ce que les policiers avaient cherché partout. Son père prétendait que c’était un bon médicament contre la toux, mais aux yeux de Sipho, les cigarettes donnaient à son père un air stupide.

— Ton demi-oncle, Baba, lui disait son père à mi-voix comme s’il ne le pensait pas vraiment, n’est pas un sale type comme j’ai dû parfois te laisser entendre. En fait… Le père de Sipho avala sa salive. Il est même plutôt cool.

Sipho adorait son demi-oncle, Baba ou « le Noir ». C’était là le surnom que le père de Sipho lui avait donné. Son demi-oncle habitait un manoir très luxueux, dont le congélateur débordait de Magnum, les bâtonnets de crème glacée. Baba était aussi un champion de boxe mondialement connu. Chaque fois que Sipho allait rendre visite à son oncle, ils faisaient ensemble une partie de boxe, et c’est Sipho qui gagnait. Comme la presse devait ignorer que Sipho était un adversaire redoutable, ils avaient tous deux trouvé un arrangement, après maintes discussions : aussi longtemps que Sipho gardait secret l’avantage pris sur son adversaire qui avait battu le sixième boxeur mondial, le congélateur déborderait de barres de crèmes glacées Magnum, et Sipho en serait l'unique bénéficiaire.

— Oui, en fait. Il est plutôt sympa.

Sipho adressa à son père un étrange regard : ce n’était pas du tout le genre de son père d’évoquer le demi-oncle en termes élogieux. En réalité, on ne se souvenait de l’existence du demi-oncle que dans les moments où les choses allaient de travers, en particulier les finances, ou si la police menaçait de créer des ennuis supplémentaires, la police dont on aurait dit qu’elle prenait un malin plaisir à s’acharner injustement contre son père.

— Je ne vais pas tarder à retourner dans la mine. Est-ce que ça te dit d’habiter chez le Noir ? Pardon, laisse-moi reformuler, est-ce que tu aimerais rester un peu avec Baba, ton super héros ? Il se pourrait que je sois absent plus longtemps que d’habitude, un peu plus longtemps.

Sipho ne se sentit pas près de bafouiller, mais de dire : « Waouh ! ». Il n’aurait pas vraiment apprécié d’aller vivre chez Mémé qui n’avait pas de frigo et qui ne savait même pas ce qu’était un Magnum. Pourtant, il devinait que ce « Waouh ! » serait mal venu. Aussi se contenta-t-il de remuer la tête, s’efforçant de prendre un air à la fois abattu et solennel.

— Peut-être que ça serait mieux.

— On va sûrement devoir le convaincre, mais ça devrait être facile comme bonjour. Il n’a jamais eu le courage de te refuser quoi que ce soit.

Sipho se sentit le cœur à prendre la défense de son oncle, à signaler que celui-ci avait beaucoup de cran, mais une fois encore, il eut l’intuition que l’idée ne serait pas appréciée à sa juste valeur.

Le père de Sipho se leva, eut soin de cacher le sac qu’il avait sorti de la voiture, invita son fils à le suivre et se dirigea vers l’arrêt des minibus.

— Il n’a pas de cran. C’est ça, le problème.

— On va rendre visite à l’oncle Baba ?

— Oui, et ce soir, il a un match contre un petit jeune. Alors, tu devrais demander des billets.

— Tu crois que Monsieur Kipling va te laisser entrer ?

Son père marqua un moment de réflexion, mais il avait déjà ses réponses quand ils furent tous deux à hauteur des arrêts de minibus.

— On grimpe par-dessus le mur. Après, je prends la clé de la Rolls et on attend à l’intérieur.

— Tu vas me dire comment il a fait pour l’avoir ?

— Pour avoir quoi ?

— La dent.

— La canine ?

— La dent qu’il s’est accrochée autour du cou.

— Cette bêtise qui l’autorise à penser qu’il est supérieur à tout le monde et qu’il a plus d’honneur ?

— Oui.

— Et pourquoi tu penses que je vais te le dire, là tout de suite.

— Parce qu’on dirait que tu es sympa aujourd’hui.

— Mais… tu veux vraiment savoir ?

— Oui.

— Oui ! Pas plus que ça !

— Oui ! Je veux savoir ! Je tiens à le savoir ! Dis-moi, je t’en prie !

— La dent vient d’un léopard contre lequel il s’était battu. Il a gagné. Voilà comment il a fait.

— Il s’est battu contre un léopard ?

— Oui.

— Waouh !

Sipho s’imaginait son oncle face au léopard, l’assommant un bon coup avec un uppercut digne d’un grand boxeur, et finalement lui arracher une canine. Alors Sipho laissa entendre trois « Waouh » plutôt qu’un seul, hurlant presque et sans marquer de pause entre les trois exclamations : « Waouh ! Waouh ! Waouh ! »

— Il avait sûrement un bon copain caché quelque part derrière un arbre, un bon fusil à la main, et prêt à voler à son secours.

Alors Sipho ajouta, après qu’il eut compris que son père n’appréciait guère de le voir tellement impressionné par son demi-oncle :

— Quand je serai grand, je monterai sur le ring et me battrai contre un tigre.

Le père de Sipho, laissant poindre un sourire de contentement, les pupilles aussi larges que des coques de noix, des larmes plein les yeux, prit une bonne bouffée de sa cigarette :

— Qu’ils aillent tous se faire pendre avec ce qu’ils racontent. Tu es mon fils, non ?

Ce que Sipho venait de dire semblait avoir beaucoup plu à son père, et il voulut le répéter :

— Quand je serai grand, je veux monter sur le ring pour me battre contre un tigre… et c’est moi qui vais gagner.

C’est ainsi que Sipho, le jour même où son demi-oncle s’apprêtait à se mesurer à l’adolescent, fit de son père moribond le plus heureux des hommes. C'est à l'issue de ce match de boxe que l’oncle, le super-héros, devint un simple vagabond dont le seul honneur fut la promesse de ne plus jamais monter sur le ring, tandis que Sipho se faisait désormais appeler Tigre.

Andres Laszlo Jr.

Le Grand Défi s’inspire du best-seller écrit par mon père (Andres Laszlo Sr.), Mon Oncle Jacinto/Mi Tio Jacinto, également blockbuster (avec Pablito Calvo & Antonio Sico, sous la direction de Ladislao Vajda). Un journal parisien à grand tirage a commenté l’histoire originale de la manière suivante : «  Rien de ce genre n’a été écrit depuis Le Petit Prince. » Dans mon roman, Madrid se transforme en la vile du Cap, la Quinta en Mandela Park, 1940 en 2010. La tauromachie se transpose dans le monde de la boxe, pour un total de 75 000 mots dans la version anglaise. Toutefois, le roman s’adresse toujours aux enfants de tous les âges. Acheter le livre.

Bien que le livre ait été pensé pour les « enfants de tous les âges », — le protagoniste est très jeune — le texte aborde parfois des sujets délicats, et l’histoire doit être lue par des adultes. Pour autant, cela ne devrait pas constituer un problème : mon but, tout au long de l’écriture, a été celui de placer le texte au niveau des adultes et de le rendre divertissant pour les enfants autant que pour les adultes. Voir les 70 illustrations.

Le Grand Défi présente Baba et son neveu Tigre. Le roman décrit une journée décisive de leur existence. C’est le héros qui sert de lien entre les deux personnages, et le côté pesant du roman vient du risque de leur séparation. L’action se situe au Cap, en Afrique du Sud : le centre-ville, le township Mandela Park, Hout Bay et le Vieux Stade.

Le début de l’histoire. Nous sommes dans le township. Il pleut. Tigre est occupé à construire une roue à eau, créant une inondation dans la cabane où dort son oncle. Arrive la lettre écrite par le promoteur de boxe. Le contenu de la lettre n’est pas pris au sérieux. Tigre et Baba se rendent au centre-ville faire les poubelles, comme cela leur arrive toujours. Tandis qu’ils ramassent des mégots de cigarette, ils tombent sur une affiche présentant Baba comme le champion à battre. Rien ne peut plus être ignoré, et voilà Baba, furieux, appelant au téléphone le promoteur, pour faire entendre sa protestation. Baba, toutefois, finit par accepter de tenir le rôle de champion. Trop orgueilleux pour accepter l’aide qu’on lui propose, il feint avoir déjà en sa possession le costume de boxe.

Au milieu du roman. Il s’agit des exigences, des ruses, et de la petite délinquance, moyens par lesquels les deux personnages tentent de trouver la somme nécessaire à la location du costume de boxe, tandis que le risque de la séparation — sous la forme d’un vendeur de montres fantaisie, d’un musicien, de la police, d’un tribunal pour enfants, d’un vrai hors-la-loi, d’un tueur à gages professionnel, etc. — se fait de plus en plus précis. La journée des protagonistes se déroule en dessinant toute une panoplie de ce que peut être la criminalité au Cap : du recyclage des timbres au trafic d’un diamant valant un million de dollars. En dernier recours, Baba, renonçant à son honneur, s’essaie à la vente d’une fausse montre, assisté de Tigre. Ils se font appréhender. Baba n’est pas loin de finir en prison, et Tigre au tribunal pour mineurs. Le déshonneur et la séparation semblent indéniables. Le magasin de costumes est sur le point de fermer, et Baba, — sur le ton de la douceur et de la logique, suffisamment pour que nous y croyions — s’entend dire qu’il devrait « donner à ce pauvre gamin une chance », qu’il ne fait pas preuve de bonté envers Tigre.

La fin du roman s’ouvre sur un Baba dévasté, quittant les lieux, une mise en garde entre les mains. La suite voit Tigre se tirer de ses ennuis, persuader le vendeur de costumes d’accorder sa confiance à Baba. Tigre retrouve son oncle et le ramène au magasin. Nous les suivons donc, Baba dans son costume de boxe, dans le bus qui les conduit au stade où Baba — qui n’ a rien perdu de son agilité — se mesure avec brio à ses adversaires. Mais voilà que le subjugue son désir de garder intact son honneur, et il fait l’erreur d’accepter de se battre contre un athlète faisant deux fois sa taille et qui a été envoyé pour l’assassiner. C’est en la personne de cet adversaire que le risque de la séparation adopte sa forme physique, ultime. Baba livre un combat populaire, mais se retrouve, tout compte fait, mis à terre, ridiculisé. Baba vient de perdre ce qui justifiait son existence, son honneur, sous les yeux mêmes de Tigre. Baba avance, hésitant, vers son neveu en larmes, pour lui faire ses adieux.

Ne soyons pas bêtes : évidemment, le roman finit bien, si vous faites le choix de le lire sous cet angle-là.